Elle reste son œuvre la plus connue du grand public et a marqué toute la culture occidentale. Qui n'a pas en tête l'image du Petit Chaperon rouge découvrant le loup dans le lit de la grand-mère et coiffé de son bonnet? Du Chat botté, chaussé de cuissardes et affublé d'un chapeau à plume, d'une ceinture et d'une cape? Dans ces histoires, maintes fois adaptées, les personnages sont reconnaissables au premier coup d'œil. Celui du Chat potté, qui apparaît dans le deuxième volet de Shrek, en est la preuve parfaite. (1) Cette liste s'inspire, entre autres, de l'article de Valentine Robert, L'œuvre de Gustave Doré au cinéma, paru dans la revue 1895, n°72, printemps 2014. Delphine Simon-Marsaud est chargée de production web à la Cinémathèque française.
Prisonnier des Allemands, Henri Alekan est parvenu à s'évader. Cocteau pressent que ce jeune chef opérateur donnera à ses images la somptuosité qu'il recherche. René Clément, qui tourne La Bataille du rail, lui apportera l'aide technique et Christian Bérard, le complice de toujours, se chargera des décors et des costumes. Le 26 août 1945, Cocteau et son équipe s'installent à Rochecorbon: le tournage commence... Grâce aux somptueuses photos de tournage d'Aldo, aux archives personnelles de Jean Cocteau, et au talent de conteuse de Dominique Marny, la petite-nièce du poète, ce livre témoigne de toute la magie d'un des plus grands films mythiques et oniriques du cinéma français. Hors Collection 2013 > Retour...
Un film de Jean Cocteau Ce film de Cocteau est le premier du genre, il est le premier à faire entrer le spectateur dans un monde imaginaire, il utilise pour se faire de nombreuses trouvailles et beaucoup d'ingéniosité. Car ce film est fait avec très peu de moyen à cause de la fin de la guerre… Il a été tourné en grande partie dans des décors très simples et épurés, ce qui leur donne vie, c'est l'utilisation de la lumière et du clair obscur. La narration et le fantastique repose parfois complètement sur ces jeux savants de l'ombre et de la lumière. Au début du film, la différence entre le monde réel et le monde imaginaire du château de la bête est marqué par ces lumières changeantes, comme des écrans que doit passer le père pour pénétrer dans un univers plus lumineux et bien plus étrange. Plusieurs plans sont tournés en contre-plongée, afin de sans doute renforcer le coté dominant, inquiétant du domaine et de son maître. Si je dis plus haut que la narration repose parfois essentiellement sur la lumière c'est qu'il y a peu de dialogues, bien sûr cela vient du fait que les deux protagonistes se voient peu.
Le célèbre conte écrit au XVIIIe siècle par Madame Leprince de Beaumont a souvent inspiré le cinéma. Pour des adaptations aussi inspirées que variées. La suite sous cette publicité Vous connaissez tous l'histoire. Une jeune femme, un château, une bête, une malédiction. Classique parmi les classiques, La Belle et la bête a souvent inspiré le cinéma. Voici les principales adaptations de cette histoire romantique à souhait. La poésie de Jean Cocteau (1946) Réalisateur, romancier, poète et peintre, Jean Cocteau est le premier à s'attaquer au mythe, et réalise l'une des œuvres les plus importantes du cinéma français d'après-guerre, qui n'a rien perdu de sa poésie encore aujourd'hui. Influencé par les maîtres flamands et les gravures de Gustave Doré, Cocteau signe un drame aux confins du merveilleux, qui a considérablement influencé le cinéma fantastique dans son ensemble. Un immense classique, vénéré dans le monde entier. Et puis il y a évidemment la présence de Jean Marais. Pourtant au début de sa carrière, le comédien se révèle déjà imposant et magnétique dans la peau de la Bête.
Un rat sans plus s'abstient d'aller flairer autour: C'était un vieux routier: il savait plus d'un tour; Même il avait perdu sa queue à la bataille. "Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille, S'écria-t-il de loin au général des chats. Je soupçonne dessous encor quelque machine. Rien ne te sert d'être farine; Car quand tu serais sac, je n'approcherais pas. " C'était bien dit à lui; j'approuve sa prudence: Il était expérimenté, Et savait que la méfiance Est mère de la sûreté. »
L'anthropomorphisme et le sens du décor de Doré l'ont profondément marqué. La Belle et la Bête (Jean Cocteau, 1945) Le 11 décembre 1945, Cocteau écrit dans son journal de tournage: « Cette chambre est construite en l'air, dans le vide, au milieu des restes de ma forêt et des ébauches de mon futur décor de la source. Il en résulte qu'à travers ses murs de voiles, envahis de broussailles, on devine tout un paysage incompréhensible. Le tapis est d'herbe, les objets de ce mauvais goût magnifique de Gustave Doré. » En préparation de La Belle et la Bête, Cocteau remet à l'équipe du film une « bible » de tournage: Les Contes de Perrault illustrés par Doré. Le film adopte sa « pensée plastique »: lumières, ombres, feuillage, mobilier... tel ce décor parfait de la chambre de Belle, inspiré par une planche de La Belle au bois dormant illustrée par le génie Doré. Sublime et magistral! Oliver Twist (David Lean, 1948) 174 gravures, 5 années de travail. À partir de 1871, Gustave Doré s'attèle à l'illustration d'un ouvrage sur Londres.
La Belle au bois dormant (Gustave Doré, 1867) / La Belle et la Bête (Jean Cocteau, 1946) Cinéaste avant l'heure Les admirateurs exégètes l'affirment de manière tout à fait anachronique: Gustave Doré était un cinéaste avant l'heure, avait un « œil cinématographique », une « vision cinémascopique » (2). Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, Doré brille par son sens aigu de la composition. Cet autodidacte qui commence sa carrière d'illustrateur à quinze ans (pour le Journal pour rire) se révèle un maître de la composition, de la perspective et de la gestion des échelles de plans. Aussi, le caractère éminemment théâtral de certaines scènes et personnages qu'il figure intéresseront naturellement le cinéma primitif, celui du théâtre filmé avec ses plans-tableaux – au point d'être littéralement transposés dans des productions comme Vie et Passion de Jésus-Christ (Lucien Nonguet et Ferdinand Zecca, 1902) – mais aussi d'un cinéma plus imaginatif, comme celui de Méliès (l'exposition rapproche d'ailleurs la fameuse lune anthropomorphe du Voyage sur la lune de 1902 avec les illustrations des Aventures du Baron de Münchhausen de 1862).
Mais l'air de famille vient surtout de ce personnage du Roland furieux de l'Arioste, illustré par Doré un siècle plus tôt. Troublant, non? Le Baron de Münchhausen (Terry Gilliam, 1988) En découvrant Le Baron de Crac de Karel Zeman (1962), Terry Gilliam s'exclame: « Voilà ce que j'ai toujours voulu faire! Combiner une action réelle avec des arrière-plans animés à la Gustave Doré. » Il réalise alors sa version des Aventures du baron de Münchhausen en 1988, empruntant à Doré la physionomie du héros imaginé en 1862. Grand admirateur de l'artiste et s'étant donné pour mission dans la vie de « rendre Doré vivant », Gilliam se lance ensuite dans un projet obsessionnel: l'adaptation de Don Quichotte basée sur les illustrations du graveur. Après moult péripéties et catastrophes, le film verra le jour 17 ans plus tard. Sleepy Hollow (Tim Burton, 1999) Esthétique gothique, virtuosité onirique, visions cauchemardesques. L'univers de Gustave Doré sied évidemment parfaitement à Tim Burton. Du château d' Edward aux mains d'argent au pays des merveilles d'Alice, l'imaginaire fantasmagorique du cinéaste emprunte au grand « décorateur » Doré, jusque dans ses gravures londoniennes qui servent à planter l'échoppe du diabolique barbier de Fleet Street dans Sweeney Todd.
Si Gustave Doré domine l'imaginaire du film, c'est les peintres flamands qui inspirent le monde réel: Johannes Vermeer, Frans Hals et Rembrandt. Les rues de la cité rappelle La ronde de nuit de Rembrandt, le banquet du père et de ses amis marchands évoquent bien d'autres tableaux… L'ambiance de la petite propriété familiale rappelle les intérieurs des maisons du XVIème siècle. Les costumes semblent tout droit sorti des tableaux, les chapeaux des différents personnages sont très reconnaissables (chapeaux noirs, chaperon, etc. ) ainsi que les différentes collerettes. Le costume de servante de Belle rappelle La jeune fille à la perle de Vermeer… Comme signalé au début, le choix d'un esthétisme épuré tout en ombre et lumière n'est pas né uniquement d'une volonté artistique du réalisateur mais des raisons économiques. Ce film a été tourné à la fin de la guerre 40-45 dans des combles avec fort peu de moyens: des toiles noires tendues, de l'encens, quelques postiches et des figurants que l'on retrouve aussi bien sous forme de chandeliers qu'en marchands.